Moui... Finalement Caim et le dragon vont se comprendre... peut-être que cette acceptation est trop rapide à mon goût... (rapide, pas raide, hein ! huhu) mais j'avais rien trouvé de mieux pour consolider le lien entre eux =s
Chapitre 30
Les liens d’un pacte
Les Germes étaient toujours épandus sur le monde. Le tonnerre pourpre continuait de s’abattre en rafales sur le sommet des deux tours noires de la Cité. Le décompte progressait. Le monde s’effritait toujours plus vite. La fin était proche…
Inuart était vaincu, mais Caim sentit se dresser en lui les affres d’une angoisse épouvantable... qui n’était nullement la sienne. Il comprit avec stupeur que cette sensation d’effrois était éprouvée par le dragon rouge :
− Ha ! s’écria la créature en sondant le ciel, toute l’âme en feu. La légende devient réalité ! Le mythe est vivant !
Caim et Verdelet levèrent les yeux. Dans le ciel érubescent, une ombre démesurée.
− Il est venu pour les Germes ! proliféra le dragon pétrifié dans une étrange position ; le dos voûté, le cou abaissé, la queue enroulée autour de sa cheville. Il est descendu pour les Germes !
L’ombre se matérialisa peu à peu et prit la forme d’un formidable dragon. Sa cuirasse était grise comme la pierre. Ses ailes aux peaux déchirées flottaient en lambeaux autour de sa masse. Sa tête des plus hideuses était couronnée par de grandes cornes recourbées en avant.
Caim ignorait ce qu’était cette chose, mais il n’en avait que faire en vérité. Si elle était là pour s’emparer des Germes, elle mourra de sa main !
− Tu es fou à lier ! dit le dragon rouge en se renfrognant. Wyrm, le dragon sacré… C’est un sacrilège que de l’affronter…
Même Caim devait redouter la puissance dévastatrice du légendaire Wyrm, le dragon sacré. Mais n’écoutant que sa colère, le jeune homme brandit son épée et s’élança sur le dos de sa créature de pacte. Le dragon rouge regimba en grondant :
− Non ! Tu ne mesures pas ce que cela implique !
La peur que le dragon éprouvait fragilisait son esprit. À cet instant, la volonté de Caim était plus puissante que celle du dragon, suffisamment pour qu’il puisse lui imposer sa propre volonté. De la même manière que le dragon l’avait empêché d’abattre son épée sur Manah dans la forteresse Céleste, il le força à se soumettre à son désir de meurtre. Pour la première fois, le dragon se trouva désemparé :
− Non, arrêtes ! Lâche-moi ! grinça-t-il sans pouvoir empêcher ses ailes de se déployer. Ce n’est pas le moment, imbécile !
Ses jambes fléchirent et il s’élança dans les cieux pourpres, forcé à entrer dans le combat le plus impudent de son existence :
− Damnation ! Pourquoi ai-je passé un pacte avec un fou qui ne connait ni le bien ni le mal ?
Verdelet contempla le ciel en psalmodiant des prières. Quel sera l’issue de ce combat annoncé ?
− Golem ! Tu es là !
Seere, Arioch et Léonard venaient d’apparaître sur la grand-place de la Cité.
− Seere, gronda le golem alors qu’il recueillait le petit garçon et les deux autres au creux de sa main.
− Je sens uns odeure de brûlée, dit Arioch en riant. Si proche…
Elle se tenait penchée, sa hache insolite au poing, le vent dans ses cheveux d’encre, les yeux couleur feu et eau. Ondine et Salamandre étaient sortis hors de son corps :
− Même le dragon suprême, Wyrm, est venu en ces lieux infernaux, dit Salamandre.
− La fin du monde est proche, dit Ondine.
− Ce monstre est énorme, s’exclama Seere. Pourquoi est-il ici ? Pourquoi l’appelles-tu le dragon suprême ?
La voix cristalline de l’esprit de l’eau Ondine répondit à Seere :
− Les dragons sont apparus sur ce monde avant toute autre créature. Les mythes planants sur leur race sont myriades.
− L’une d’entre ces légendes annonce qu’à la fin du monde, le plus puissant d’entre eux, Wyrm, descendra des sphères célestes en suivant la semance des dieux, annonça Salamandre.
− De son union avec les Germes renaitra le monde originel, continua Ondine. Il n’appartiendra qu’à une seule et unique race. Celle des dragons.
Seere crispa sa petite main sur la pierre de son golem. De quelle façon allaient-ils donc tous disparaître ? Des puissances supérieures semblaient se disputer leur destin…
Les flammes continuaient de ravager la Cité de l’Empire. Dans le ciel retentissaient les rugissements des deux dragons entrés en conflit.
− Pourvu que Caim triomphe, souffla Léonard, le visage nimbé par l’aura verte du sylphe.
− Misérables idiots, grailla la fée. Dire que c’est entre leurs mains que reposent nos vies… Nous allons tous mourir !
− Non ! contredit Seere. J’ai confiance en Caim. Il y arrivera !
− Vous êtes aussi aveugles que Léonard, ou juste autant stupide ? récria le sylphe. Regardez donc dans le ciel ! Le dragon rouge n’est guère plus imposant qu’un moustique comparé à ce monstre ! Il n’a aucune chance !
Cerné dans la cécité, Léonard ne pouvait se raccrocher au monde que par ses autres sens. Il sentait, il sentait très bien l’horreur partout autour de lui. La chaleur accablante, l’étouffement de l’air, l’odeur du feu, l’âcreté de la fumée, le parfum de la mort, les voix remplies d’effroi, les bruits du tonnerre...
− Regardez le dragon rouge ! s’écria Seere.
− Que se passe-t-il ? s’enquit Léonard.
− Tu parles de trop ! le railla le sylphe.
− De la lumière ! s’esclaffa Arioch, émerveillée.
− Caim, murmura Verdelet. Quel pacte contre nature as-tu donc passé avec ce dragon ?
~
− Wyrm ! vociféra le dragon rouge. Dragon mythique ! Tu vas regretter d’affronter des fous faibles tels que nous !
Le dragon sacré répondit par un puissant rugissement. La taille de ce monstre venu du plus haut de la voûte céleste n’avait d’égale que sa puissance et sa laideur. Il ne volait pas dans les airs, mais il y glissait lentement, comme porté par un vent imperceptible. Ses ailes déchirées ressemblaient à des loques. Sa queue courte et épaisse pendait dans son sillage.
Le dragon rouge expectora ses flammes. Le dragon sacré ne prit pas la peine de les éviter. Les flammes l’atteignirent de plein fouet, mais elles ne laissèrent pas l’ombre d’une seule lésion sur sa cuirasse grisâtre. Les yeux de Wyrm se firent plus féroces. Des étincelles brasillèrent entre ses crocs qui pointaient à l’extérieur de sa gueule. Il cracha sur eux une tourmente enflammée. Ses flammes étaient smaragdines. Le dragon rouge exécuta un tonneau et évita l’attaque.
− C’est là toute ta puissance ? railla-t-il avec arrogance. C’est donc là tout ce dont est capable le grand dragon Wyrm ?
Le dragon sacré gronda et déversa sur eux un nouveau torrent de flammes verdorées. Le dragon rouge fila en vrille et cracha sur Wyrm ses flammes rougeoyantes, mais ce feu était risible et laissait Wyrm insensible. Le dragon sacré cracha à nouveau de son feu maléfique et malgré l’esquive qu’il exécuta, le dragon rouge vit son aile prise dans les flammes.
Il hurla d’un rugissement suraigu et son vol se transforma en chute. Caim eut l’atroce impression que son bras s’était désagrégé en poussière brasillante. Il contempla l’aile de sa créature et vit les fines membranes de peau entièrement consumées. Le temps à cet instant sembla comme suspendu.
Ils tombaient. Caim voyait le sol se rapprocher de plus en plus. Il sentait le vent brûlant s’engouffrer sous son armure. Il respirait l’odeur de la chair calcinée. Il ressentait toute la souffrance et tous les sentiments du dragon. Il n’aurait pas su dire si c’était à cause de son désir de survie ou à cause de quelque chose d’autre, mais pour la toute première fois, il eut envie de lui prêter sa force.
« Caim… »
Une barrière se renversa entre les deux âmes de l’homme et du dragon. Il se produisit alors une chose insoupçonnée…
Le corps du dragon rouge s’alluma d’une lumière purpurine. Ses membres musculeux se développèrent davantage. Ses épaules et sa nuque s’étirèrent entre les genoux de Caim. Sa queue enfla si bien qu’elle se craquela de vergetures dans lesquelles brasillait l’éclat d’un magma en fusion. Son crâne triangulaire grossit et ses cornes se ramifièrent en embranchements merveilleux et ayant la couleur de l’or brunit. Les articulations de ses ailes s’allongèrent et la peau membraneuse entre ses doigts se reconstitua en une nouvelle voilure. Sa cuirasse se fit plus pourpre que jamais. Son œil étincelait comme de l’or.
« Caim… »
Ils avaient passé un pacte. Mais ce n’était que maintenant qu’ils éprouvaient la réelle puissance de leur lien. Plus de haine, plus de mépris, plus de méfiance... La créature sentait l’humain vivre en elle, l’humain sentait la créature vivre en lui. L’humain était le dragon, le dragon était l’humain. Il n’y avait plus de frontière. Ils ne formaient plus qu’un seul être, plus qu’une seule entité. Les pensées, la volonté de l’un, faisaient celles de l’autre. Ce n’était qu’une seule âme et un seul esprit qui animait leur corps. C’était ensembles que leur cœur battait. Ils déployèrent leurs ailes, gonflées par la force d’une unité encore jamais égalée dans toute l’histoire d’un pacte.
La voix de Verdelet se faisait entendre dans leur tête :
« Caim, quel pacte contre nature as-tu donc passé avec ce dragon ? »
− Wyrm ! rugit le dragon avec toute sa rage alliée à celle de Caim. Dragon suprême ! Ce monde n’est pas le tien ! Nous survivrons !
La mémoire du sang des dragons ruisselait dans les veines de Caim. Le cœur du dragon palpitait de l’amour des hommes. La symbiose des deux consciences faisait naître en eux une puissance inégalable.
Ils filèrent en un éclair et le dragon vomit une tempête de flammes pourpres. Le Wyrm exclama une plainte rugissante, alors que tout son corps brûla à vif. Caim et le dragon pensèrent à la victoire. Mais alors sous leurs yeux haineux, les chairs carbonisées de Wyrm se ressoudèrent et ses plaies brûlantes se colmatèrent sans qu’il ne reste aucune cicatrice. Le dragon sacré retroussa ses babines en découvrant ses crocs gigantesques. Ses yeux éclataient de rage, miroitants du spectre pourpre reflèté par l’ombre de deux fous qui défiaient la Création.
Le dragon rouge eut un hoquet râlant :
− Ah ! Sommes-nous toujours aussi faibles ? dit-il. Non ! Nous sommes ensembles ! Nous vaincrons ! Caim !
Le tonnerre foudroya les tours noires. La même pensée naquit dans l’esprit de Caim et du dragon.
− Le moment est venu d’en finir, Caim !
Ils filèrent vers le sommet des deux tours. Wyrm les poursuivit en rugissant de fureur, crachant ses flammes vertes. Caim et le dragon vrillèrent dans le firmament. Les cieux pourpres étaient leur empire, ils étaient les seuls maîtres dans ce chaos.
Lorsque Wyrm eut atteint les faîtes des tours noires, ils firent volte-face et se ruèrent sur sa formidable masse. Le dragon cracha sur lui un océan de flammes éblouissantes. Wyrm fut aveuglé. Le dragon rouge fondit, toutes serres brandies, et les planta dans les yeux globuleux du dragon suprême. Sifflant de rage et de douleur, Wyrm était aveuglé par les bouillons de sang noir qui jaillissaient de ses orbites creuses. Sa gueule s’ouvrit, béante comme les portes de l’enfer, prête à vomir des océans de flammes destructrices. Le dragon rouge s’accrocha à ses mâchoires claquantes et racla sa gorge en gonflant son torse. Il déversa dans la gueule du dragon sacré des cascades de feux liquides aux miasmes toxiques.
Le hurlement de Wyrm s’exacerba tandis que le feu liquide se pétrifiait à l’intérieur de sa gorge, découlant par ses naseaux dilatés et par ses orbites sanglantes. La foudre s’abattit sur lui dans une explosion de lumière et il disparu, tombant sur les ruines de la capitale impériale.
Le dragon rouge n’avait jamais éprouvé autre chose que du mépris envers ces pitoyables humains. Mais aujourd’hui, il voyait Caim autrement ; à travers lui, il avait comprit le secret du cœur des humains...
Les feux de la victoire enflammaient leur âme. Ensembles, ils avaient vaincu le plus puissant de tous les dragons. Plus rien ne pouvait les arrêter désormais.
« Je te remercie, Caim. Je suis devenu bien plus fort que je ne l’aurais jamais imaginé »
Caim percevait sa voix différemment. Il ne s’horripilait plus en la sentant glisser sous sa peau, elle ne semblait plus acide et glaciale. Non. En l’écoutant, sa voix était chaude et apaisante. Caim se laissa aller contre les écailles purpurines. Elles étaient chaudes sous ses mains. Le dragon tourna son crâne triangulaire et Caim s’aperçu dans l’éclat d’or de son œil :
− Sais-tu pourquoi les dragons sont apparus sur ce monde ? lui demanda le dragon.
Caim l’ignorait.
− L’enfant sourit à sa matrice et cherche à prolonger l’instant, murmura le dragon. Mais c’est impossible…
Chapitre 30
- Nashira
- L'Œil Écarlate
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