Ça peut paraitre bête en disant ça comme ça, mais je me souviens qu'à l'époque où j’écrivais ça, je tenais absolument à faire chanter Furiae ! Growing Wing, évidemment. Quand je vois aujourd'hui que Dr3 accorde un certain pouvoir au chant de la déesse, je me dis que ça tombe plutôt pas mal, finalement...
J'ai essayé de mettre en valeur l'affection que peut éprouver Caim envers sa sœur, et vice-versa. Mais j'ai surtout voulu mettre en scène le côté mauvais du lien qui unit Caim et le dragon.
Un chapitre peut-être pas si intéressant, mais je suis du genre à aimer ces détails inutiles...
Chapitre 3
Le poids du passé
Le soleil avait commencé son déclin derrière les nuages alors que Caim et Furiae, guidés par Inuart, se mettaient en route en ayant pour escorte la plus inattendue des créatures : un dragon.
Voilà deux jours qu’ils filaient vers l’est avec toujours pour même horizon la chaîne effilochée des lointaines montagnes. Avançant sans relâche, ils passaient plaines stériles et collines escarpées. Mais le voyage était fastidieux. Caim et Furiae ne pouvaient échanger aucune parole. Caim aurait donné cher pour pouvoir lui parler et la réconforter, car il voyait bien la résignation sur le visage de sa sœur. Les yeux fermés, le visage triste, elle était constamment plongée dans ses prières. Au-dessus d’eux, le dragon planait silencieusement, tel un horrible rapace reptilien. De temps à autre il s’éloignait plus en avant, puis revenait vers eux en battant d’un grand coup d’ailes.
Le soleil du troisième jour commençait déjà à disparaitre derrière les monts lorsqu’ils arrivèrent au sommet d’un tertre dans une vallée déchiquetée. En contrebas ruisselait une rivière, et au loin, l’orée d’une forêt se faisait enfin voir.
Inuart se dressa sur sa monture :
− La forêt des Elfes est devant nous ! Je pense qu’il nous faudra camper encore une fois à la lisière. Si nous nous aventurons dans la forêt de nuit, nous risquons de nous perdre.
Caim hocha la tête : peu lui importait. Il talonna sa monture et tous les trois trottinèrent le long des eaux. A l’orée des bois, ils dressèrent leur campement et attachèrent les chevaux dans un endroit où ils pouvaient paître et boire en paix. Pendant qu’Inuart montait les tentes, Caim s’était lancé à la recherche de bois pour le feu. Il revint quelques minutes plus tard, portant des branches sèches et une poignée de feuilles mortes.
Inuart et Furiae l’attendaient, assis autour d’un cercle de galets prévu à nicher les flammes du futur feu de camp. Le musicien assit sur une souche jouait de sa harpe en chantant pour Furiae, assise dans l’herbe fraîche. Le dragon était étendu sur le sol.
Quand Caim entreposa les branches au centre des pierres, Inuart cessa de jouer et fouilla dans sa poche :
− Tiens, Caim, dit-il en lui jetant une lamelle de fer émoulu.
Caim s’en saisi au vol et dégaina son épée. En frottant la lamelle de fer contre le fil de son arme épée, il parvint à faire jaillir quelques étincelles. Mais aucun feu ne prit. Dépité, il recommença avec une ardeur rehaussée, mais rien n’y fit : l’air était trop humide.
Il entendit alors un son étrange et guttural. Caim releva la tête et vit le dragon, dardant sur lui ses prunelles jaunes et brillantes dans la pénombre. Une rage frémit en lui alors qu’il comprit que la bête riait. Furieux, il se releva d’un bond et la menaça de son épée en lui ordonnant par l’esprit de se rendre utile. Après tout, les dragons crachaient le feu !
La créature cessa de rire et retroussa ses babines en découvrant une rangée de crocs spectaculaires, capables de broyer un homme en un coup de mâchoire.
− Me prendrais-tu pour ton serviteur ? cracha-t-il. Vous, les humains, croyez être supérieurs à tous les autres. Mais vous n’êtes rien de plus que des insectes rampants, des pions insignifiants. Vous sacrifiez vos propres semblables dans l’illusion de pouvoir vivre sans crainte.
Ses yeux s’étaient posés sur Furiae en prononçant ces mots. Inuart appréhenda le pire lorsqu’il vit Caim jeter le morceau de fer dans l’herbe et fondre sur le dragon, l’épée brandie.
− Caim, calme-toi ! cria-t-il.
Le dragon se releva avec une agilité insoupçonnable et plaqua Caim sous ses griffes.
− Laisse-moi te montrer quelque chose, gronda le dragon dont l’haleine empestait le souffre.
D’un coup, il se mordit dans l’aile. Avec horreur, Caim eut l’impression que c’était son propre bras que la bête serra entre ses crocs. Satisfait, le dragon le libéra de son emprise. Caim roula sur le sol et se releva, en tenant son bras dans une position étrange, sans comprendre ce qui était arrivé. Le dragon eut un rire ironique :
− Non, tu n’es pas blessé, certifia-t-il, seulement soumit à la douleur que je ressens. Mes maux sont tes maux. Tout comme je ressens les tiens…
Caim réalisa l’ampleur du lien qui reliait les deux partenaires d’un pacte. Il fixa l’aile ensanglantée du dragon et vit les plaies se refermer progressivement en même temps qu’il sentait la douleur dans son propre bras s’altérer.
− Nos capacités de guérisons sont plus grandes que les vôtres, expliqua le dragon.
Caim lui lança un regard meurtrier et se laissa glisser contre un tronc d’arbre, humilié. Inuart et Furiae n’osèrent lui parler. Ce fut finalement Inuart qui alluma le feu. Plus patient et plus pondéré que Caim, le musicien parvint bien vite à obtenir des flammes grandissantes. Sous le regard frustré de Caim.
La nuit était tombée. La lune était pleine. C’est sans appétit que Caim avala son repas. L’atmosphère était tendue et affligeante : chacun évitait le regard de l’autre. Furiae avait rejoint ses mains sur sa poitrine pour à nouveau se perdre dans ses prières. Inuart agitait distraitement une branche dans le feu. Les petits bruits nocturnes chuintaient autour d’eux : le gémissement du vent dans les feuilles, le bruit de l’eau de la rivière, les cris de ces oiseaux malfaisants qui ne sortent que la nuit.
Caim s’empara à nouveau de son épée pour se perdre dans sa contemplation. Dotée d’une lame à double tranchant large d’un empan, forgée à la perfection, elle était capable de fendre la pierre et le métal sans que la lame n’en garde la plus petite trace visible. Caim testa son tranchant en y passant son doigt. Elle était un peu émoussée depuis la dernière bataille au bastion de la déesse. Il attrapa un galet à ses pieds et s’en servit comme aiguisoir. Le glissement de la pierre sur l’acier se prononçait comme une mélodie argentine.
De l‘autre côté du feu, Inuart avait le regard rivé sur Caim et sur le dragon. L’envie se lisait dans ses yeux, tout autant que le désespoir.
− Un pacte entre un homme et un dragon…, bougonna-t-il. Les légendes disaient vrai…
Ses prunelles se posèrent sur Furiae et se voilèrent :
− Furiae, soupira-t-il, sans la déesse pour le protéger, ce monde court à sa perte…
Il déglutit. Sa voix se mua en un chuchotement infime :
− Furiae… maintenant que tu es la déesse de ce monde, le mien n’existe plus…
Ses mots moururent dans la bise. Seule l’oreille du dragon put les saisir.
Sa voix glissa dans l’esprit de Caim :
« Inuart se déchaîne, mais il ne peut rien espéré en retour. L’amour doit être partagé. »
Caim ne prêta aucune attention à l’écho dans son corps. Son esprit fatigué était assaillit par le sommeil, mais son visage ne trahissait aucun sentiment.
Le dragon savait que toute sa réflexion était rapportée à l’épée entre ses mains.
« Seul le crime apaise ton âme, n’est-ce pas, Caim ? »
Le jeune guerrier fut prit d’un muet soupir, avant de fermer les yeux.
Le crépuscule embrasait le ciel. Une sanglante bataille faisait rage. Caim tenait Furiae par la main, son épée dans l’autre. Son père lui ordonnait de fuir avec sa sœur. Mais Caim refusait d’abandonner ses parents.
Une ombre monstrueuse fondit sur eux et les happa entre ses gigantesques mâchoires. Les yeux de la créature rougeoyaient comme deux orbes enflammés…
Caim se réveilla en sursaut, le cœur battant à lui rompre les côtes. Son corps frissonnait. La lune était haute dans le ciel et il n’y avait aucune trace ni d’Inuart ni de Furiae. Le feu s’était réduit à un tas de braises mourantes. Caim comprit qu’il s’était endormit. Il enfuit son visage dans ses mains en tentant de reprendre le dessus sur ses angoisses. Ce n’était pas la première fois qu’il était assailli par ces visions cauchemardesques... Peu à peu, il parvint à s’apaiser. Son épée avait glissée dans l’herbe humide. Il la rangea dans son fourreau avant de se trainer vers la rivière pour s’asperger le visage d’eau fraiche.
Il entendit alors une voix dans la nuit. Un chant. Intrigué, se laissa guider par la mélodie qui l’entraina un peu plus haut le long de la rivière. Repoussant une branche, il trouva Furiae, assise au bord de l’onde. Sa voix donnait à son chant quelque chose de divin :
Le pourpre illumine le ciel, l’oiseau dort encore
Comme un rêve il brille, de La Forteresse
Les berceuses que nous chantions, aussi douces que la brise
Les terres infinies, notre foyer, j’aspire à ses jours
J’implore ces prières au ciel, pleines d’émotion, vois ton visage
Je porte ces souvenirs gravés en moi, sentiments d’une âme colorée par l’amour
Vois grandir mes ailes et volant haut, les passions mourront sous mon passage
Je brûle dans un océan de larmes, les Anges surveillent comme ils dansent dans leur ciel cruel
Me regardent, te regardent
Le néant, puis l’aube, et le temps conte sa légende
Le sang sombre ruisselant, la forêt s’en abreuve
Fixe les ténèbres autant que tu l’oseras
En leur sein tu trouveras la destruction que tu cherches
J’implore ces prières au ciel, pleines d’émotion, vois ton visage
Je porte ces souvenirs gravés en moi, sentiments d’une âme colorée par l’amour
Vois grandir mes ailes et volant haut, les passions mourront sous mon passage
Je brûle dans un océan de larmes, les Anges surveillent comme ils dansent dans leur ciel cruel
Me regardent...te regardent...
Lorsque Furiae eut poussé sa dernière note, Caim vint s’asseoir dans l’herbe près d’elle. Furiae tressauta, mais son visage s’illumina lorsqu’elle reconnu son frère.
− C’est toi, Caim, fit-elle avec un faible sourire.
Caim ne put qu’opiner stupidement. Furiae toussota en triturant les plis de sa robe :
− Alors tu m’as entendue ?
Elle paraissait gênée.
− Ça fait maintenant trois ans que j’ai été élue déesse, souffla-t-elle en baissant la tête pour cacher les larmes qui baignaient ses yeux. Depuis ce jour, je ne cause que des ennuis... Je me sens tellement...
Elle se tut. Caim pinça les lèvres. Il ramassa une petite pierre près de lui et la fit tourner distraitement entre ses doigts. Un certain temps s’écoula.
− Toi et Inuart faites à nouveau équipe, dit Furiae, comme jadis...
La pierre ripa dans l’eau. Caim eut un pincement au coeur. En vérité, Inuart lui non plus n’était plus vraiment le même depuis que Furiae était devenue déesse. Personne n’avait put rester indifférent à ce brusque changement dans leur vie.
Une chouette hulula dans la nuit et le silence se referma sur eux.
− J’ai peur Caim, gémit Furiae. Peur de demain... Je cause tant d’ennuis autour de moi...
Quand bien même il en aurait été capable à cet instant, Caim n’aurait pas su quoi lui répondre. Il n’était pas doué pour ce genre de choses. Mais à l’intérieur de lui-même, il se jura de protéger Furiae en toute circonstance. Jusqu’à ce qu’enfin cesse cette guerre.
Une douce bise se mit à souffler, charriant la promesse muette qu’un frère fit un jour à sa sœur…
Chapitre 3
- Nashira
- L'Œil Écarlate
- Messages : 218
- Enregistré le : 02 déc. 2006, 14:09
- Localisation : Ici et ailleurs